Suite à la parution des résultats des dernières évaluations de milieu de CP,  JM Blanquer affirmait que les résultats « prouvent que tous ces efforts ont porté leurs fruits » dans la lutte pour résorber les écarts de performance des élèves suite au confinement. Quelques mois plus tard, une analyse plus sérieuse des résultats nous invitait à une toute autre conclusion. Les écarts de performance entre élèves scolarisés hors rep et ceux en rep + étaient plus importants l’année dernière que la précédente, démontrant une inscription dans la durée des effets scolaires de la crise sanitaire.

Encore une fois, pris par son obsession de faire la démonstration de l’efficacité de ses choix, le ministre s’affranchit du respect du réel. Car ses objectifs, avec les évaluations nationales, ne sont pas de rendre compte du niveau des élèves sur l’ensemble des éléments des programmes explicatifs de la réussite scolaire. En effet le ministre annonce que la dynamique permise par les évaluations doit s’accentuer, par « les modifications requises des pratiques » et la définition « d’objectifs pédagogiques concrets ».

Les véritables objectifs de ces évaluations standardisées sont donc bien d’imposer à tou·tes les enseignant·es des « fondamentaux » en lieu et place des programmes nationaux en imposant des « protocoles » et de dessaisir les enseignant-es de leur métier. Pour 78% des enseignant·es, ces évaluations n’ont fait que confirmer les difficultés constatées.

A l’aune de ces résultats de mi-CP, à quoi servent les évaluations nationales standardisées ?

Exercer une contrainte très forte sur le travail des enseignants.

Dans son analyse de mai 2019, le chercheur Roland Goigoux prenait l’exemple de la fluence pour alerter sur le pilotage de l’enseignement par les évaluations. La note de la DEPP du 01/03/2021 précise : « La fluence, comme exercice de lecture, semble maintenant ancrée dans les pratiques enseignantes, puisqu’une majorité d’enseignants y ont recours ».

Concernant le lien entre fluence et compréhension en lecture, des chercheurs comme Sylvie Plane invitent à ne pas confondre corrélation et causalité. D’autres comme Eveline Charmeux alertent sur le risque que l’activité systématique de « déchiffrage oralisé », loin d’aider à la compréhension, puisse « faire écran au contraire à l’activité de construction des significations ».

Une politique éducative qui creuse les écarts entre les élèves d’Éducation prioritaire et les autres.

En mathématiques, les écarts entre REP+ et hors Éducation prioritaire sont en légère augmentation entre 2020 et 2021, et restent pour certains items à un haut niveau  : 17,2 points pour la résolution de problèmes (17,1 en 2020), et 16,9 points pour la soustraction (16,7 en 2020).

En Français, les écarts entre élèves en REP+ et ceux hors Éducation prioritaire s’élèvent à 23,7 points pour une maîtrise satisfaisante de l’exercice « comprendre des phrases lues par l’enseignant » (l’écart était de 23 en 2020), à 17,2 points pour l’exercice « comprendre des phrases lues seul » (contre 15,4 en 2020).

De manière générale, des pressions sont exercées sur les enseignants pour qu’ils concentrent leur enseignement sur des compétences instrumentales. Or ces évaluations confirment que les compétences les moins maîtrisées par l’ensemble des élèves sont les compétences complexes : la compréhension en lecture, la résolution de problèmes en mathématiques. Enfermer les enseignant·es dans des approches centrées sur les compétences de bas niveau ne peut en aucun cas permettre à l’école de relever le défi de la démocratisation scolaire, et d’une culture commune ambitieuse pour tous les élèves.

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