Article du site de La Provence…

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LETTRE SANCTION

Aix : Une enseignante sanctionnée pour “désobéissance civile”
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Alors que le mouvement de défense du service public s’amplifie

Diane Combes, depuis trois ans à la maternelle d’Eguilles, redoute le démantèlement de l’Éducation nationale.

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Tout est parti d’une lettre. Début novembre, un enseignant de Colomiers dans l’Hérault, exposait par écrit à son inspecteur les raisons pour lesquelles “en conscience”, il refusait “d’obéir” et de contribuer à un “démantèlement pensé et organisé de l’Éducation nationale”. Une missive en forme de réquisitoire qui a tôt fait de faire école, notamment dans les Bouches-du-Rhône : le 5 décembre dernier, plus d’une centaine d’enseignants, essentiellement marseillais, remettaient à leur tour une lettre à l’Inspection d’académie.

Un argumentaire signé, expliquant en détail leur refus d’une série de mesures portant atteinte, selon eux, aux fondements de l’Éducation nationale. “Nous ne participerons pas à ce démantèlement. En conscience, nous refusons de nous prêter par notre collaboration active ou notre silence complice à la déconstruction du système éducatif de notre pays”, écrivaient-ils.

Parmi ces 124 signataires, Diane Combes, une enseignante en maternelle à Eguilles, revendique cette “désobéissance civile”, qui est selon elle “le dernier recours après avoir tenté tous les autres moyens” pour éviter que ne soit mise en oeuvre “la politique la plus aberrante que l’Éducation nationale ait connue depuis longtemps”. Et l’enseignante de lister quelques-uns des points incriminés : suppression massive de postes, suppression du réseau d’aide aux enfants en difficulté (Rased), l’atteinte au droit de grève, la suppression de l’IUFM, l’introduction des jardins d’éveils…

“Tout ce qui est mis en oeuvre pour ouvrir le marché de l’éducation, explique Diane Combes, qui enseigne depuis 1981. Sans parler des nouveaux programmes, dont on ne connaît même pas les auteurs, qui sont plus incohérents que jamais !” En “résistance”, les enseignants signataires refusent de mettre en oeuvre les nouveaux programmes, remplacent le soutien scolaire par un travail sur un projet d’école ou de classe et refusent de participer aux stages de rattrapage pendant les vacances scolaires.

Lundi 8 décembre, Diane Combes recevait la visite d’une inspectrice venue lui rappeler les conséquences d’une telle prise de position. Le lendemain, un courrier général reçu par tous les enseignants insistait encore sur les sanctions prévues en cas de désobéissance. Le jeudi suivant, c’est une lettre personnelle adressée à Diane Combes par l’Inspecteur d’académie qui détaillait les conséquences de son “manquement caractérisé” à ses “obligations de service” : un “salaire amputé pour service non fait pour tous les jours au cours desquels ce même constat sera effectué”.

En clair, les lundis, mardis, et jeudis (plus le mercredi) ne lui sont pas payés puisqu’elle n’assure pas le soutien scolaire, même si elle est “présente et travaille sur autre chose”. Soit un salaire amputé de plus de la moitié (seulement trois jours payés par semaine)… Une sanction financière à laquelle s’ajoute un volet disciplinaire qui peut aller du blâme à la révocation en passant par toutes sortes de mutations. Détail surprenant : sur les 124 signataires, seule Diane Combes est poursuivie de la sorte. “Sans doute pour faire un exemple et couper les ailes du mouvement, estime-t-elle. Mais c’est tout le contraire, je suis et nous sommes encore plus motivés. Si, dans quelques années, la maternelle et plus généralement le service public n’existent plus, je serai mal de n’avoir rien tenté pour le sauver…”


[1] Publié le dimanche 14 décembre 2008 à 10H22

[2] Ph. s.mercier