Plus de maîtres que de classes, retour à 9 demi-journées, relance de la scolarisation des moins de trois ans, diminution des redoublements… mardi 9 octobre à la Sorbonne le chef de l’Etat a annoncé un certain nombre de décisions après avoir reçu le rapport sur la refondation de l’école.

« Le temps de la décision est venu, le temps de la concertation n’est pas achevé ». C’est en ces termes que François Hollande a accueilli mardi 9 octobre le rapport sur la « Refondation de l’école de la République » qui lui a été remis par la sociologue Nathalie Mons à la Sorbonne. Intervenant après une présentation détaillée du rapport par les quatre coordonnateurs de la concertation et les responsables d’ateliers, le chef de l’État a levé le voile sur les principales orientations qui guideront la rédaction du projet de loi d’orientation et de programmation ou qui feront l’objet de circulaires. Des mesures qui seront encore discutées avec les diverses parties prenantes (représentants des enseignants, des parents, des collectivités…) pour en déterminer les modes de mise en œuvre.

Un budget sanctuarisé

« L’école doit changer » a affirmé le président de la République. Pour cela « il faudra du temps et des moyens » et le budget de l’Éducation nationale sera “sanctuarisé”. Il a ainsi réitéré son engagement de créer 60 000 postes sur la mandature. Après la création de près de 10 000 postes annoncée pour la prochaine rentrée, il y en aura autant par an sur les cinq années à venir. Autre décision confirmée, celle portant sur l’entrée dans le métier. Il y aura bien un second concours au printemps prochain et le rétablissement, dès la rentrée 2013 d‘une année de formation. « Nous allons faire du neuf » a-t-il ajouté officialisant la création en septembre prochain des Écoles supérieures de professorat et de l’éducation. Des “ESPE” qui devront répondre au besoin de professionnalisation des enseignants « avec une vraie place pour les stages pratiques ».

Plus de maîtres que de classes, une demande du SNUipp

Redisant que sa priorité allait au primaire « là où sont acquises les bases solides qui détermineront la suite du parcours », il a souligné l’importance et le rôle spécifique de la maternelle, précisant qu’une politique de scolarisation des moins de trois ans serait engagée à partir de la rentrée « dans les territoires en difficulté ». En ce qui concerne l’élémentaire, il a estimé qu’elle « doit bénéficier d’une pédagogie nouvelle » et repris la proposition du SNUipp, contenue dans le rapport, celle du « plus de maîtres que de classes ». Un mode de fonctionnement qui selon lui « facilitera le développement du travail en commun, introduira de nouvelles méthodes d’accompagnement des élèves et préviendra les premiers retards »

Le « faux-semblant » du collège unique

Le président a aussi fait siennes les propositions du rapport préconisant la fin du redoublement, ou du moins sa réduction en nombre, l’évolution du système de notation vers une note « dont l’objet est d’indiquer un niveau, plus que de sanctionner », ou encore la fin des devoirs à la maison. Ces derniers « doivent pouvoir être faits dans l’établissement (ou l’école-NDLR) plutôt qu’à la maison pour accompagner les enfants et rétablir l’égalité », le périscolaire sera donc sollicité. Le chef de l’État a aussi souhaité introduire une plus grande « fluidité » entre le CM2 et le collège. Concernant ce dernier, dont « le rôle est d’assurer le socle commun », il a jugé que son « caractère unique est devenu une apparence pour ne pas dire un faux-semblant » et qu’il faut désormais « lui permettre d’organiser plus librement sa pédagogie et ne plus avoir un modèle trop rigide d’organisation des activités ».

La fin des « labels » de l’éducation prioritaire

La volonté du chef de l’État est aussi de revoir radicalement le mode de fonctionnement de l’éducation prioritaire. « La labellisation n’a pas toujours su éviter le piège de la stigmatisation » a-t-il déploré. Du coup, les dispositifs ZEP, RAR, ECLAIR, etc… ne seraient plus affichés en tant que tels. S’y substituerait un système de dotation budgétaire modulable en fonction de divers critères touchant au public accueilli et aux difficultés des territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Le président propose aussi d’affecter sur les territoires en difficulté des enseignants expérimentés, « sur la base du volontariat », et de favoriser la stabilité des équipes « quitte à accorder de meilleures conditions de travail pour ceux qui sont confrontés à des situations éprouvantes ».

Une école vraiment inclusive

Le président a également plaidé en faveur du numérique, demandant « au gouvernement de prendre rapidement des initiatives pour donner à ce que l’on appelle l’e-education la dimension qui doit être la sienne ». Pour commencer, dix millions d’euros seront consacrés au développement de contenus au budget 2013 de l’EN indiquait-on hier à Élysée. Il a encore souhaité une généralisation des programmes d’éducation culturelle de la maternelle à la terminale. Concernant l’accueil des élèves en situation de handicap, il a appelé de ses vœux « une école qui soit vraiment inclusive » ce qui passe selon lui par la formation des enseignants et « la valorisation du métier des personnels qui accompagnent ces élèves ».

Changement de rythmes

Et puis, la question a été longuement commentée ces derniers mois, François Hollande a fait part de ses décisions concernant les rythmes scolaires. Il s’est dit « favorable » au retour à une semaine de neuf demi-journées tout en reconnaissant que « les inégalités d’accès aux activités éducatives, culturelles ou sportives » ne doivent pas s’en trouver creusées. Cette réforme devra être effective dès la rentrée 2013, aussi une concertation doit être engagée dans les prochains jours avec les associations représentatives des collectivités locales en charge du périscolaire. Mais l’Élysée qui préconise de développer des projets éducatifs territoriaux reste prudent quant au mode de financement des activités qu’elles auront à assumer après 15h30.

Le calendrier de la refondation

Enfin, alors qu’il s’exprimait en présence de dix-sept ministres concernés par le caractère interministériel de la refondation, le chef de l’État a précisé le calendrier de la réforme. Jeudi 11 octobre une session extraordinaire du Conseil supérieur de l’éducation sera présidée par le ministre de l’Éducation nationale. Puis des discussions seront engagées avec les représentants des personnels et des parents d’élève avant que ne s’engage un travail interministériel devant aboutir à la présentation d’un projet de loi en conseil des ministres « avant la fin de l’année ». « Le choix de recourir à une loi d’orientation et de programmation a un sens. C’est une façon de garantir que l’éducation nationale ne sera plus une variable d’ajustement budgétaire » a-t-il ajouté.

Une étape décisive

Si le président de la République a fixé un cap, c’est maintenant que va s’ouvrir l’étape décisive de la négociation. Car de fait, des pans entiers de cette refondation restent à préciser. Rien n’ a été dit sur les RASED et les psychologues scolaires par exemple. L’oubli devra être réparé. Ils doivent pourtant avoir toute leur place dans la refondation. Pour le SNUipp, les orientations affichées doivent se traduire par des mesures concrètes qui transforment en profondeur le quotidien dans les écoles. Il s’agira bien, après le temps du discours, de réellement « changer la donne », de donner aux enseignants du pouvoir d’agir dans leurs classes pour faire reculer l’échec scolaire, en améliorant leurs conditions de vie professionnelle et personnelle. Car définitivement, rien de durable ne se fera sans eux.