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Obligation de réserve, obligation de discrétion professionnelle : un fonctionnaire a-t-il le droit d’émettre publiquement une opinion et jusqu’à quel point ?
Nous allons entrer en période d’élections municipales et il nous paraît utile de rappeler certains principes.
Une réponse d’avril 2011 du ministère de l’éducation nationale à une question écrite à l’Assemblée éclaire ce sujet. Cette « réserve », issue de la tradition républicaine, s’applique uniquement durant le service dans le but d’assurer la neutralité de l’Etat en période électorale. Les fonctionnaires, hors service, peuvent bien évidemment participer comme tous les citoyens aux campagnes électorales. Ils sont soumis alors au devoir de réserve habituel, construction jurisprudentielle, qui s’applique essentiellement aux fonctionnaires d’autorité.
Deux principes
1) Le principe de neutralité du service public
Dans l’exercice de leurs fonctions, les enseignants, comme tous les fonctionnaires doivent respecter une stricte neutralité, notamment en ce qui concerne leurs opinions politiques ou religieuses. Ils respectent en cela le principe de laïcité et de neutralité.
Ce qui signifie
Dans l’exercice de sa fonction (en classe, en conseil d’école, en entretien avec des parents…), un enseignant doit avoir des propos empreints de modération et respecter la neutralité qui est celle de l’Etat.
2) La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires.
Ce principe est inscrit à l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 dite « loi Le Pors » portant droits et obligations des fonctionnaires.
Ce qui signifie
Un enseignant a le droit comme tout citoyen d’exprimer son opinion, de participer à une manifestation publique, de signer une pétition… Cependant, il ne peut pas engager l’Education Nationale par sa prise de position en la liant à sa fonction.
Obligation de discrétion, devoir de réserve
1) L’obligation de discrétion professionnelle
Cette obligation de discrétion (comprenant le secret professionnel et la discrétion professionnelle) interdit aux agents de révéler des informations portées à leur connaissance par des usagers ou d’autres agents de l’Etat au cours de l’exercice des fonctions.
La définition du « secret professionnel » se trouve dans l’article 26 de la loi 83-634 :
« Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal. Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d’accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent. »
Ce qui signifie
Dans l’exercice de ses fonctions, un enseignant peut être amené à avoir connaissance d’éléments d’informations d’ordre privé ou confidentiel. Il est donc tenu de ne pas en faire état publiquement.
2) Et le devoir de réserve ?
Le devoir de réserve est exclusivement de construction jurisprudentielle. Cette notion est utilisée par le juge administratif pour valider ou infirmer les sanctions prises à l’encontre d’un fonctionnaire ayant exprimé ses opinions. Sur le portail de la fonction publique au sujet de l’obligation de réserve :
« L’obligation de réserve est une construction jurisprudentielle complexe qui varie d’intensité en fonction de critères divers (place du fonctionnaire dans la hiérarchie, circonstances dans lesquelles il s’est exprimé, modalités et formes de cette expression).
C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé de manière constante que l’obligation de réserve est particulièrement forte pour les titulaires de hautes fonctions administratives en tant qu’ils sont directement concernés par l’exécution de la politique gouvernementale. »
Ce qui signifie
Dans l’Education Nationale, les fonctionnaires d’autorité sont, par exemple, les IEN, les principaux et proviseurs. En aucun cas, le directeur, comme les adjoints ou tout autre enseignant du 1er degré n’est fonctionnaire d’autorité. Il n’est donc pas dans une haute position hiérarchique.
Donc, tout enseignant du 1er degré a un droit d’expression d’opinion, même en période de réserve à condition de ne pas engager l’Education Nationale par sa prise de position.
Par exemple, un enseignant ne pourra pas dire : « En tant qu’enseignant (e) ou directrice/directeur de l’école X, j’appelle à voter pour Mr Y » car cela pourrait signifier que l’Education Nationale appelle à voter pour Mr Y. Mais un enseignant peut tout à fait signer un appel à voter, comme tout citoyen, en inscrivant sa profession, comme tout citoyen.
Dans un autre contexte, un enseignant ne peut pas dire : “en tant que directeur (ou enseignant), je ne peux que dénoncer la décision d’expulser M. X”, car cela pourrait signifier que l’Éducation Nationale est opposée à la décision en question. Mais il peut dire : “je suis directeur de telle école où un papa immigré risque l’expulsion. En tant que citoyen, je suis choqué par une telle mesure et je la dénonce.”
En conclusion
Les enseignants ont donc bien des droits dont celui fondamental, comme tout autre citoyen, à la liberté d’expression tout en respectant leurs obligations de discrétion et de secret professionnel, définies par des textes réglementaires. Et bien évidemment, en dehors du service, les fonctionnaires ont, comme tout citoyen, le droit de participer aux élections et à la campagne qui les précède.
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Pour compléter, plusieurs liens :
Loi du 83-634 du 13 juillet 1983
Page du blog d’Anicet Le Pors sur l’obligation de réserve http://anicetlepors.blog.lemonde.fr/2013/03/10/obligation-de-reserve/
Question et réponse posée à l’assemblée nationale portant sur la « période de réserve électorale »