Une expérimentation de l’évaluation des écoles débute ce premier trimestre 2021-2022. D’abord annoncée pour le 3ème trimestre 2020-2021, elle a été reportée du fait du contexte covid. Cette expérimentation succède à celle conduite l’an passé dans le 2nd degré auprès d’un millier d’établissements. Le dossier de presse de rentrée du ministère annonce : « plus de 2 000 établissements du 2nd degré, y compris dans l’enseignement privé sous contrat, devraient être évalués en 2021-2022. Dès la rentrée 2021 débutera aussi l’expérimentation de l’évaluation d’écoles dans le 1er degré (au moins une école ou un groupement d’écoles par département) ».

Pour mémoire :

La loi 2019-791 du 26/07/2019 pour une école de la confiance, qui crée le Conseil d’évaluation de l’Ecole, lui confie notamment la mission suivante : « Il définit le cadre méthodologique et les outils des auto-évaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l’Education nationale et analyse les résultats de ces évaluations ; pour ce faire, il s’appuie sur toutes les expertises scientifiques, françaises et internationales, qu’il estime nécessaires. Il s’assure de la fréquence régulière de ces évaluations d’établissements et définit les modalités de leur publicité. »

Cadre de l’évaluation :

Un document de cadrage et des annexes concernant le 2nd degré sont disponibles sur le site du CEE. Un document provisoire concernant le 1er degré a été transmis au SNUipp-FSU, il est quasiment un copié-collé de celui du 2nd degré. Il sert de cadre à la phase d’expérimentation.

L’évaluation est prévue de la manière suivante :

    1.  Une auto-évaluation :

Il s’agit « d’analyser l’école dans sa globalité », et plus précisément de « mesurer les acquisitions des élèves et leurs résultats et les relier aux pratiques professionnelles, aux organisations retenues et aux choix opérés par l’école » ; mais aussi de « proposer collectivement des axes de développement à mettre en œuvre pour une amélioration ou une consolidation de la réussite des élèves et de la qualité de vie à l’école ». L’auto-évaluation couvre le temps scolaire mais peut aussi concerner l’organisation des services périscolaires « en accord avec la commune ou l’intercommunalité compétente ».

Dans un premier temps, un portrait de l’école est fourni par les services statistiques académiques, qui donne lieu à une analyse « du contexte externe et interne » de l’école.

Dans un deuxième temps, l’évaluation doit couvrir quatre grands domaines :

    • Les apprentissages et les parcours/le suivi des élèves, l’enseignement ;
    • Le bien-être des élèves et le climat scolaire ;
    • Les acteurs, la stratégie et le fonctionnement de l’école ;
    • L’école dans son environnement institutionnel et partenarial.

Un guide d’auto-évaluation propose un ensemble de questions évaluatives.

« L’organisation de l’auto-évaluation est conduite au niveau de chaque école par son directeur ». L’auto-évaluation est « totalement participative », elle mobilise l’ensemble des « acteurs : directrice-directeur, personnels de l’Etat et de la collectivité, élèves, parents, autorités de rattachement, partenaires. »

Un rapport d’auto-évaluation est présenté pour information au conseil d’école. Il est destiné aux évaluateurs externes, et sera communiqué aux autorités académiques et à la commune ou l’EPCI.

Commentaire 1 : L’une des questions posées au SNUipp-FSU en mars 2021 par le CEE était de savoir quel était le « regroupement d’écoles » le plus pertinent pour une évaluation, compte tenu du fait qu’il y a un nombre trop important d’écoles au niveau national pour envisager un travail d’évaluation externe école par école… Dans le document non définitif, on lit « Le nombre d’écoles et leur diversité pourront conduire les autorités académiques à procéder à des regroupements, par exemple sur un mode vertical (selon une logique de flux d’élèves) ou sur un mode horizontal (écoles aux problématiques voisines au sein d’une aire géographique donnée, la commune ou l’EPCI par exemple) ». Mais la phase d’auto-évaluation doit être conduite dans chacune des écoles concernées.

    1. Une évaluation externe :

Elle s’appuie sur l’auto-évaluation. Elle se distingue « de l’audit, de l’inspection, du dialogue de gestion ou de pilotage, du contrôle qui constituent une vérification de conformité à un cahier des charges ». L’évaluation externe est « une aide apportée à chaque école, dans sa singularité », en identifiant notamment des leviers de progrès.

L’évaluation externe comporte trois étapes :

    • La préparation de la mission ;
    • La visite dans l’école ;
    • La rédaction du rapport provisoire, l’échange à l’occasion de la restitution du rapport dans l’école (l’école dispose de 15 jours pour faire part de ses observations écrites), puis la rédaction du rapport définitif.

Une équipe d’évaluateurs externes est « composée de trois ou quatre évaluateurs et comporte au moins un inspecteur du 1er degré et un directeur d’école », qui signent tous une « charte de déontologie ».

Le rapport final est « un outil d’aide pour l’école et la communauté éducative, mais aussi pour les autorités de rattachement ».

Commentaire 2 : Cette dernière précision peut laisser perplexe. Elle résonne avec la principale mise en garde formulée auprès du CEE par la FSU, qui refuse « la perspective de contractualisation des moyens (en écho aux Contrats Locaux d’Accompagnement expérimentés dans le cadre de l’Education Prioritaire) ».

Par ailleurs, l’autre question posée au SNUipp-FSU par le CEE portait sur la constitution de l’équipe d’évaluateurs externes. On trouve dans le document provisoire : les évaluateurs externes « sont inspecteurs territoriaux (IEN 1er degré mais éventuellement IEN ET-GT, IEN-IO, IA-IPR), directeurs d’école, chefs d’établissements du 2nd degré, conseillers pédagogiques, enseignants, cadres académiques, universitaires ou autres personnes ayant une bonne connaissance du fonctionnement d’une école » (à titre d’exemple sont citées des personnes sollicitées « au sein d’exécutifs ou de services communaux »). On retrouve cette forme d’évaluation externe dans le cadre des cités éducatives. Il est précisé que le choix des évaluateurs doit notamment reposer « sur l’absence de conflit d’intérêt. »

Remarques générales :

Les travaux menés ont vocation « à conduire à une actualisation ou à un renouvellement du projet d’école ».

Cette évaluation des établissements du 1er degré est envisagée tous les cinq ans, avec une évaluation de l’ordre de 20% des écoles chaque année. C’est « l’autorité académique [qui] établit annuellement la liste des écoles évaluées sur la base de critères explicités ».

Le SNUipp-FSU a participé le 05/03/2021, dans le cadre d’une délégation FSU, à une bilatérale avec le CEE sur la question de l’évaluation des établissements et des écoles. Il s’agissait pour la présidente Béatrice Gilles et le secrétaire général Laurent Noé de prendre connaissance des « remontées de terrain » dont disposait la FSU pour l’expérimentation en cours dans le 2nd degré (1200 établissements concernés), et d’échanger avec le SNUipp-FSU sur l’expérimentation à venir dans le 1er degré. Nous y avons porté toutes nos réticences et interrogations :

    • Risque d’un « pilotage externe » bureaucratique avec des indicateurs formels, éloigné de la réalité et des besoins des écoles, n’apportant pas d’aide réelle ;
    • Le cadre est calqué sur l’expérimentation du 2nd degré, il n’a pas été conçu à partir de ce qui fait la spécificité des écoles (ainsi, il est nécessaire de ne pas déséquilibrer une relation de proximité bien réelle avec les parents, en leur faisant jouer un rôle qui n’est pas le leur) ;
    • Idem avec les élèves : pratiquer la coopération dans l’école n’est pas la même chose que d’associer les élèves à une évaluation globale ;
    • Le cadre proposé repose sur un brouillage des rôles et missions des professionnels : les CPC par exemple, qui souffrent déjà d’une perte de sens, ne gagneront pas à ce que s’opère une confusion entre formation et évaluation (ce qui aggraverait l’évolution de la fonction prévue par le GT « Esprit d’équipe » du Grenelle) ;
    • Risque d’une logique de « reddition de comptes » dans laquelle les évaluations nationales standardisées, utilisées dans cette évaluation d’école, font passer à côté des besoins et difficultés réels des élèves (d’ores et déjà, elles réduisent les apprentissages et entament la liberté pédagogique des enseignantes).

Conclusion :

Même si l’évaluation des établissements est inscrite dans la loi depuis le 26/07/2019, le SNUipp-FSU doit intervenir à tous les niveaux pour exiger que cette expérimentation ne soit en aucun cas imposée aux écoles, qui ont bien d’autres priorités.