Un texte témoignage rédigé par les collègues de Poitiers Sud, syndiqué-es ou non au SNUipp-FSU 86, et relatant la situation actuelle circule en ce moment. Plus de 200 collègues de la Vienne l’ont déjà signé.
Le SNUipp-FSU 86 se fait l’écho de ces témoignages et vous incite à signer et à partager. (signatures arrêtées le 19 janvier pour diffusion)
Texte
Nous, enseignants et enseignantes, directeurs et directrices de la Vienne souhaitons témoigner de ce qu’est l’école aujourd’hui, de ce que signifie maintenir les écoles ouvertes sans avoir donné aucun moyen, ni pris aucune mesure pour que cette école puisse permettre aux enfants de réussir leur parcours scolaire et devenir des citoyens émancipés.
Depuis 2 ans, les professionnels de l’éducation, les enfants, les familles ont été abandonnés : les mesures qui se succèdent sont prises sans aucune concertation avec le terrain, sans même que l’information prenne la voie officielle. Nous sommes informés par les médias.
Depuis 2 ans, nous n’avons jamais pu anticiper : nous avons été mis devant le fait accompli.
Nous sommes témoins et acteurs de relations dégradées avec les familles : en tant que premiers interlocuteurs des familles, nous avons dû du jour au lendemain leur apprendre que la classe fermait, ou qu’en l’absence de remplacement, nous ne pouvions accueillir leur enfant, ou qu’il y avait une succession de remplaçants différents, ou que leur enfant ne pourrait venir qu’une fois testé …. Comment créer de la confiance avec les familles quand nous leur demandons l’impossible, sans le plus souvent être en capacité de leur proposer un message officiel en attestant ou un document pour leur employeur ?
Nous sommes témoins de la dislocation des écoles : ici, des absences en grand nombre non remplacées par manque de personnels enseignants, là, l’obligation d’assurer la classe avec ceux qui sont présents et de faire aussi la classe pour ceux à distance; ici, pendant la fermeture de la classe, assurer les apprentissages à distance avec son matériel personnel, là, organiser les tests salivaires dans son école tout en faisant sa classe, ou encore appeler avec son téléphone personnel le week-end, le soir ou le matin tôt les familles d’une classe.
Nous sommes témoins de ce que supportent les enfants ballottés de protocoles en protocoles : alors que tous les adultes cherchent un moyen de se soulager en enlevant le masque, on contraint les enfants à le garder pendant la récréation et quelquefois durant 10h avec la garderie. Alors que nous ne pouvons vivre sans relations sociales élargies, on demande aux enfants de ne pas s’ouvrir aux enfants des autres classes. Alors que tous les lieux publics restent ouverts, on les prive de sport, d’événements culturels, de moments festifs et de déplacements, sans parler du poids psychologique que le monde adulte, et en particulier les médias, leur fait porter quand on les compare à des agents pathogènes ou à des vecteurs de contamination.
Nous sommes témoins du mépris envers les directeurs et directrices, qui, le week-end, doivent se débrouiller seuls face aux cas de covid, seuls face à des documents à remplir, chronophages et peu ergonomiques, seuls pour prévenir et expliquer aux familles, seuls pour convaincre l’équipe, seuls pour rassurer les enfants, seuls pour décrypter les nouvelles directives lourdes de contradictions, seuls pour assurer en même temps la classe et les tâches de direction augmentées depuis le covid sans qu’aucune autre tâche ne soit réduite.
Nous sommes témoins de cette école là. C’est cette école qui est restée ouverte, une école en discontinu, privant les élèves d’un nécessaire bien-être et de continuité pédagogique, épuisant les enseignants et les directeurs en leur faisant tenir un système à bout de bras sans leur donner les informations et les moyens pour le faire. C’est une école qui n’a pas choisi le parti des enfants et qui n’a pas choisi d’aider les enseignants. Nous voulons témoigner car derrière les mots se cache une réalité et nous craignons qu’il y ait un lourd prix à payer pour avoir abandonné l’école.
Les équipes sont épuisées, les enfants sont résignés, les familles sont perdues.
Avec l’annonce d’une nouvelle vague portée par le nouveau variant Omicron; nous, les directeurs d’école, ainsi que les équipes enseignantes, nous appréhendons fortement l’arrivée de nouvelles injonctions, de nouvelles tâches ; ce qui, dans un tel contexte, ne ferait qu’alourdir davantage le poids de notre charge et qu’aggraver notre épuisement, nous détournant encore davantage de notre principale mission en un tel moment : offrir aux enfants, nos élèves, le meilleur cadre pour un enseignement solide, serein et bienveillant.