En cette période de pré électorale, l’IA-Dasen de la Vienne a fait un courrier aux écoles pour rappeler certains principes que doivent suivre les fonctionnaires.

La FSU-SNUipp  86 fait le point en s’appuyant

Liberté d’opinion

Elle est garantie de manière absolue.
Il s’agit de la liberté de penser ce qu’on veut.
Cette liberté est inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, article 10 :
“Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.”
Le Code général de la fonction publique (CGFP) décline cette liberté dans la fonction publique, en précisant qu’elle est “garantie aux agents publics” (article L111-1 CGFP)

En dehors du service, les fonctionnaires ont, par conséquent, le droit de participer aux élections et à la campagne qui les précède.  Un-e enseignant-e ou une AESH a donc le droit comme tout citoyen, d’exprimer son opinion, de participer à une manifestation publique, de signer une pétition… en dehors de ces fonctions. Cependant, il ne peut pas engager l’Éducation nationale par sa prise de position en la liant à sa fonction.  Par exemple, un·e enseignant·e ne pourra pas dire : « En tant qu’enseignant·e ou directeur-directrice de l’école X, j’appelle à voter pour le candidat X ou la candidate Y » car cela pourrait laisser entendre que l’Éducation nationale appelle à voter tel ou telle candidat·e. Mais les PE et les AESH peuvent tout à fait signer un appel à voter, se présenter à des élections, en précisant sa profession.

Liberté d’expression

Elle est soumise à certaines restrictions.
Elle est définie par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) comme « la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière » (article 10).

Quelles sont les limites à la liberté d’expression ?

Comme tout citoyen, l’agent public est astreint aux limites posées par la loi. Tout individu est ainsi soumis à des limites à sa liberté d’expression. Sont proscrites les injures, la diffamation, l’incitation à la haine. Elles exposent l’auteur des propos litigieux à une sanction pénale.
Un fonctionnaire s’expose, dans ce cas, à une sanction disciplinaire.

La liberté d’expression de l’agent public, tout en étant garantie, connaît certaines limites, en lien avec le principe de neutralité. 

Le devoir de neutralité est inscrit dans la loi. Il empêche les fonctionnaires ou contractuels de manifester, dans le cadre de leur travail, des opinions qui seraient de nature à faire douter de la neutralité du service public – que ce soit par leur propos, leur tenue ou un comportement.

Les obligations de l’agent public 

Article L121-1 CGFP
“L’agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité.”

L’obligation de neutralité
Article L121-2 CGFP
“Dans l’exercice de ses fonctions, l’agent public est tenu à l’obligation de neutralité. Il exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s’abstient notamment de manifester ses opinions religieuses. Il est formé à ce principe. L’agent public traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité.”

L’obligation de secret professionnel
Article L121-6 CGFP
“L’agent public est tenu au secret professionnel dans le respect des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.”

L’obligation de discrétion professionnelle
Article L121-7
“L’agent public doit faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. En dehors des cas expressément prévus par les dispositions en vigueur, notamment en matière de liberté d’accès aux documents administratifs, il ne peut être délié de cette obligation que par décision expresse de l’autorité dont il dépend.”

LE DEVOIR DE RÉSERVE

Il s’agit d’une construction jurisprudentielle, rendue en matière disciplinaire.
La loi ne définit pas de devoir ou d’obligation de réserve en tant que tel, même si ces termes apparaissent pour certains corps (ex : les militaires, les policiers, les agents pénitentiaires, les magistrats).

La construction jurisprudentielle du devoir de réserve rend son contour évolutif.
L’obligation de réserve signifie que les agents publics doivent manifester leurs opinions avec retenue et faire preuve de modération dans leur comportement et leur expression. Elle n’empêche pas les agents d’avoir des opinions et de les exprimer, elle impose en revanche une certaine pondération.
Cette obligation est un corollaire du principe de neutralité de l’administration et de l’exigence de loyauté de ses agents.
L’obligation de réserve s’applique pendant et en dehors du temps de travail.  Le pseudonyme ou toute autre forme de dissimulation n’exonère pas l’agent public de son obligation de réserve.
Elle s’applique de manière variable, selon la place dans la hiérarchie (ex : les postes les plus élevés dans la hiérarchie sont soumis à un devoir exacerbé de réserve), les circonstances de l’expression, la publicité des propos (ex : diffusion large ou non), les formes d’expression (ex : termes outranciers).
Plus encore que le fond de ce qui est exprimé, c’est la manière dont l’opinion va être émise et/ou la publicité qui va lui être donnée qui la rendra sanctionnable au titre du devoir de réserve.

Et en période électorale ?
En la matière, c’est l’article L49 du code électoral qui s’applique :
Il est interdit, le jour de l’élection mais aussi la veille à partir de 0h, de :
1° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ;
2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ;
3° Procéder, par un système automatisé ou non, à l’appel téléphonique en série des électeurs afin de les inciter à voter pour un candidat ;
4° Tenir une réunion électorale.
Une jurisprudence le complète Conseil d’État 8 juillet 2002, n° 239220, Élections municipales de Rodez

Dans le cadre de la période de la campagne électorale, une obligation de « réserve d’usage » a été consacrée à l’égard des fonctionnaires, dans l’exercice de leurs fonctions. Elle s’impose aux chefs de services de l’État et aux agents placés sous leur autorité. Si en principe, tous les fonctionnaires sont concernés par cette obligation, dans les faits, seuls sont visés ceux qui sont amenés à participer, dans l’exercice de leurs fonctions, à des manifestations ou cérémonies publiques.

Devoir de réserve et fonctions syndicales

Article L113-1 CGFP :
“Le droit syndical est garanti aux agents publics, qui peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats.”

Les représentants syndicaux bénéficient, lorsqu’ils s’expriment pour la défense des intérêts professionnels, d’une liberté accrue dans leur expression.
Un représentant syndical reste soumis au devoir de réserve (CE, 23 avril 1997, M. B…, n° 144038, T. : critique violente de la politique du gouvernement par un policier utilisant des termes injurieux, comportant des incitations à l’indiscipline collective de nature à compromettre le bon
fonctionnement du service; absence de liens de certains propos avec la défense des intérêts professionnels).

Toutefois, il bénéficie d’une atténuation de son obligation de réserve (CE, 18 mars 1956, Sieur Boddaert, Rec.: le Conseil d’État admet que les agents publics investis de fonctions syndicales jouissent, dans l’exercice de leur mandat et pour la défense des intérêts du personnel, d’une liberté d’expression beaucoup plus étendue que celle de leurs collègues).

Notons tout de même que, même dans le cadre de leur exercice syndical, les représentants syndicaux doivent être attentifs à la forme de leur expression.

CE, 27 janvier 2020, n° 426569 : Si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d’expression particulière qu’exigent l’exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques. En particulier, des propos ou un comportement agressifs à l’égard d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre agent sont susceptibles, alors même qu’ils ne seraient pas constitutifs d’une infraction pénale, d’avoir le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

 

Candidat-es aux élections

L’agent public candidat à une élection ou titulaire d’un mandat électif peut bénéficier de certaines facilités visant à concilier ces activités politiques avec l’exercice de son activité professionnelle.

L’article 7 de loi du 13 juillet 1983 protège les agents publics candidats à une élection ou qui ont été élus : « La carrière des fonctionnaires candidats à un mandat électif ou élus […] ne peut, en aucune manière, être affectée par les votes ou les opinions émis par les intéressés au cours de leur campagne électorale ou de leur mandat. »

Cette activité politique doit toutefois demeurer compatible avec l’exercice de leurs fonctions et il ne doit pas être fait usage des fonctions à des fins de propagande électorale.

L’agent public candidat à une élection

L’autorité hiérarchique doit être informée de l’intention de l’agent de se présenter à une élection. Les agents publics candidats à une fonction publique élective bénéficient des facilités de service prévues par le code du travail (art. L. 3142-79 et suivants) :

  • 20 jours pour les élections parlementaires nationales
  • 10 jours pour les élections européennes, régionales, départementales ou municipales (Ce dispositif a été étendu à toutes les communes, sans condition de population, par l’article 85 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Le seuil antérieur de 1000 habitants a été supprimé.).

Ces jours soit sont imputés sur les congés annuels soit correspondent à des absences non rémunérées.
Au-delà des durées prévues par le code du travail, les agents publics peuvent être placés en position de disponibilité pour convenances personnelles ou congés non rémunéré s’il s’agit de stagiaires ou
d’agents non titulaires.

Pour les agents nommés dans des emplois à la décision du gouvernement, la circulaire du 18 janvier 2005 relative à la situation des fonctionnaires et agents civils de l’Etat candidats à une fonction publique élective indique que s’ils envisagent de se présenter à une élection (présidentielle, parlementaire, régionales, communale de + de 100 000 habitants), il est souhaitable qu’ils renoncent à leurs fonctions. « Les responsabilités qui leur incombent et la neutralité du service n’apparaissent pas en effet compatibles avec leur candidature et leur participation à ces campagnes électorales. »

Les inéligibilités liées à l’exercice de fonctions publiques. L’exercice de certaines fonctions publiques peut rendre inéligibles les agents publics à certaines élections (art. LO 132 du code électoral pour les députés, art. LO 296 pour les sénateurs, art. L. 194-1 à L. 196 pour les conseillers départementaux, art. L. 231 pour les conseillers municipaux).
Par exemple, les chefs de bureau de préfecture ne peuvent être élus députés dans toute circonscription comprise en tout ou partie dans le ressort dans lequel ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins d’un an à la date du scrutin.

L’agent public titulaire d’un mandat électif

Afin de pouvoir concilier leur activité professionnelle avec l’exercice d’un mandat électif local en application de l’article 11 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, les agents publics bénéficient des
mêmes droits et garanties que ceux offerts aux élus exerçant une activité salariée de droit privé.

A ce titre, ils peuvent bénéficier :

  • D’un congé pour formation, de droit, est de 18 jours, pour tous les types de mandats ;
  • D’autorisations d’absence accordées pour participer aux séances plénières et aux commissions des assemblées délibérantes auxquelles ils appartiennent ainsi qu’aux séances des organismes où ils représentent leur collectivité locale (articles L. 2123-1, L. 3123-1 et L. 4135-1 du code général des collectivités territoriales) ;
  • De crédits d’heures attribués trimestriellement, variables selon la taille de la collectivité concernée et les fonctions exercées, pour permettre aux élus d’administration leur collectivité locale et de préparer les réunions des instances au sein desquelles ils siègent (art. L. 2123-2 du code général des collectivités territoriales). Le montant de ces crédits d’heures a été revalorisé par l’article 87 de la loi du 27 décembre 2019 précitée.

Le temps d’absence cumulé résultant des autorisations d’absence et du crédit d’heures ne peut toutefois dépasser, pour une année civile, la moitié de la durée légale du travail (1607 heures annuelles).

Les incompatibilités liées à l’exercice de fonctions publiques. L’exercice de certaines fonctions publiques est incompatible avec l’exercice d’un mandat électif et nécessite que l’agent renoncent à ses fonctions afin d’exercer son mandat électif. (art. LO 142, LO 145 et LO 147-1 du code électoral pour les députés, art. LO 297 pour les sénateurs, L. 207 pour les conseillers départementaux et L. 237 et L. 237-1 pour les conseillers municipaux). Par exemple, les fonctionnaires des corps de conception et de direction et de commandement et d’encadrement de la police nationale ne peuvent être en même temps conseillers municipaux. Dans ces cas, les agents doivent donc demander un détachement ou une mise en disponibilité afin d’exercer leur mandat.

Courrier reçu dans les écoles de la Vienne

Mesdames les directrices, Messieurs les directeurs,
Mesdames les enseignantes, Messieurs les enseignants,

Pour rappel, toute interview ou communication dans la presse effectuée en tant qu’enseignant doit être préalablement validée. Ainsi, si vous êtes sollicité, je vous invite à me transmettre la demande qui sera ensuite adressée au service communication du Rectorat. En revanche, si vous vous exprimez en tant que simple citoyen (sans mentionner votre profession) ou dans le cadre d’un mandat syndical, cette obligation ne s’applique pas.

Je vous rappelle également les préconisations dans le cadre de la réserve électorale :

  • S’agissant de la période de rése-rve électorale (6 mois avant le scrutin), elle impose aux enseignants et aux directeurs une stricte neutralité et une vigilance particulière quant à toute action susceptible d’être interprétée comme participant, directement ou indirectement, au débat électoral. Cette obligation de réserve concerne notamment la communication institutionnelle, les relations avec les élus et la participation à des actions pouvant être perçues comme valorisant une équipe municipale ou un candidat.
  • Concernant le 2ème conseil d’école, aucune directive n’impose une date précise pour sa tenue. La programmation relève de l’organisation propre à chaque école, en concertation avec la municipalité et les parents élus. Afin d’assurer la stricte neutralité attendue, il peut être opportun de suggérer de fixer la date du deuxième conseil d’école après le second tour des élections municipales (22 mars 2026), notamment si des échanges substantiels avec la municipalité sont prévus ou si des décisions communes doivent être discutées. Pour autant, il n’y a aucun caractère obligatoire. Il s’agit d’une recommandation de prudence. On conseillera néanmoins d’éviter un positionnement de la réunion entre les deux tours de scrutin.
  • Concernant les sujets à l’ordre du jour du 2ème conseil d’école, il convient d’éviter tout point pouvant être interprété comme valorisant les actions municipales à des fins électorales.

En vous remerciant pour l’attention portée à ces informations et restant à votre disposition pour tout complément,