Proposition de loi créant la fonction de directeur d’école : décryptage !

Le 12 mai, un groupe de député-es LREM a déposé une « proposition de loi créant la fonction de directeur d’école ». Sans surprise, le contexte de crise sanitaire sert d’appui pour reprendre un dossier que notre mobilisation a mis en échec il y a un an lors du vote de la « loi pour une école de la confiance ».

Cette proposition de loi “créant la fonction de directeur d’école” ne peut directement mentionner un statut qui est rejeté par une majorité de la profession, comme l’a démontré l’enquête du SNUipp-FSU et l’a confirmé la consultation ministérielle de cet automne où moins de 10% des répondants souhaitaient un statut pour la direction d’école. Elle avance la création d’un “emploi fonctionnel de directeur d’école”.

Des propositions en trompe-l’œil

Cette consultation avait également confirmé des préoccupations (temps, aide à la direction, rémunération, formation…) sur lesquelles cette proposition de loi avance des pistes :

  • Sur la question du temps, il est proposé de décharger totalement d’APC tous.tes les directeurs-trices. Par ailleurs, les directeurs-trices des écoles de 8 classes et plus ne seraient plus en charge d’une classe. Néanmoins, si sa mission de direction n’est pas à temps plein, « le directeur peut être amené à exercer d’autres missions »…

  • Au sujet de la rémunération, une « bonification indemnitaire » leur serait attribuée ainsi qu’un « avancement de carrière spécifique en favorisant une progression de carrière accélérée, en dehors des contingents réservés aux enseignants ».

  • Le texte précise que « les candidats à la fonction de direction devront suivre une formation qui précédera et conditionnera leur demande d’accès à cette fonction par liste d’aptitude ».

  • Concernant l’allègement des tâches et les responsabilités, il n’est question que du PPMS et de l’élection des représentant.es des parents d’élèves.

  • Alors que ce gouvernement a supprimé les emplois d’aide à la direction, ceux-ci sont renvoyés au bon vouloir et aux moyens des collectivités locales : il est proposé aux « communes ou communautés de communes ayant la compétence scolaire de mettre à disposition du directeur d’école une aide de conciergerie ou une aide administrative”. L’exposé des motifs précise “ en fonction des besoins exprimés par le conseil d’école. »

Des alertes importantes

Bien qu’apportant des pistes de solution à certains problèmes souvent évoqués par les directeurs-trices, cette proposition de loi ne serait pas sans conséquence pour le fonctionnement général de l’école accentuerait de fait la politique managériale déjà à l’oeuvre dans le 1er degré, mettant à mal notre fonctionnement qui place au cœur l’équipe enseignante comme collectif de travail.

  • La prise de décision dans les écoles : si le conseil des maîtres-ses et le conseil d’écoles sont deux instances qui gardent leurs prérogatives actuelles, le directeur deviendrait, selon l’exposé des motifs, « décisionnaire lors des débats qu’il organise pour assurer le bon fonctionnement de l’école sur le plan pédagogique comme sur celui de la vie de l’école ». Des compétences spécifiques sont déjà attribuées aux directeurs et directrices mais la proposition de loi leur donnerait, sans nul doute, un pouvoir de décision bien plus large, à l’opposé de ce que le SNUipp-FSU porte pour garantir un fonctionnement démocratique de l’école.

  • Un emploi fonctionnel, non hiérarchique mais avec autorité : l’article 2 crée, un « emploi fonctionnel pour les directeurs d’école”  L’exposé des motifs précise “ainsi, sans changer de corps, il est reconnu la spécificité de leurs missions et responsabilités. » Un emploi fonctionnel ne constitue pas une reconnaissance en soi, d’autant que son cadre, y compris juridique, n’est pas défini. Le texte précise que le directeur-trice « a autorité pour prendre des décisions en lien avec ses différentes missions ainsi que sur les personnels qui sont sous sa responsabilité durant le temps scolaire, sans en être le responsable hiérarchique ». De plus, « il est délégataire de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école dont il a la direction. »

  • Vers un recrutement sur poste à profil : « Une feuille de route sera donc établie au niveau national, … [qui] pourra, par exemple, être personnalisée par le DASEN pour tenir compte des compétences du directeur, des spécificités du poste, du projet d’école ou encore des particularités territoriales. » La similitude avec le 2nd degré se dessine.

  • Quid de plus de la moitié des écoles qui ont moins de 8 classes ? Seule est mentionnée la situation des écoles de 8 classes et plus où « le directeur n’est pas chargé de classe. » Cela peut se traduire par un encouragement aux fusions d’écoles voire au retour du projet des EPLESF également combattus lors des mobilisations contre la loi Blanquer.

  • Si l’augmentation de décharge d’enseignement peut être positive, elle ne doit pas donner lieu à des missions supplémentaires qui l’éloignent de sa mission première. Le.la directeur.trice « participe à l’encadrement du système éducatif et aux actions d’éducation et peut donc se voir confier d’autres fonctions concourant à l’exécution du service public d’éducation. En fonction de la feuille de route définissant l’emploi fonctionnel, il peut être chargé de missions d’enseignement, d’accompagnement, de formation ou de coordination, lorsque sa mission de direction n’est pas à temps plein. […] (Pial, REP, REP+, RPI). »

L’absence de statut ou d’emploi fonctionnel pour la direction d’école garantit une forme de protection car de nombreuses responsabilités relèvent avant tout de l’autorité hiérarchique (IEN, DASEN…).

Pour conclure :
Ce projet de loi ne répond pas aux urgences exprimées par la profession et vient percuter un chantier ministériel à l’arrêt. Comme le SNUipp-FSU l’a souligné dans un courrier au Ministre le 11 mai, ni le statu quo ni le passage en force ne sont acceptables !
Si les rédacteurs de ce projet sont obligés de tenir compte du rejet massif du statut par la profession dans la consultation ministérielle, la proposition de loi développe quasiment toutes les facettes d’un statut non-hiérarchique, qui pourrait prendre forme dans les décrets d’application, mais sans jamais l’affirmer clairement.