La mastérisation sert à détruire des postes d’enseignants. Et elle se traduira par une accentuation du sentiment de dévalorisation du métier.

Pensez-vous que ces propos soient ceux de mon syndicat ? Non, c’est un extrait du rapport du député UMP Dominique Le Mèner, présenté à l’Assemblée nationale en octobre.

Il est intéressant de le citer car il est l’un des chefs d’orchestre de cette réforme qu’il ne tente même pas de justifier, au contraire il ajoute : D’autre part, le schéma d’emplois du projet de budget est directement issu de cette réforme… En conséquence, en venant s’ajouter à la suppression de 600 emplois administratifs, cette mesure entraînera la suppression, de :

– 9 182 emplois d’enseignants stagiaires dans le 1er degré

– 6 733 emplois d’enseignants dans le 2nd degré ;

– 1 876 emplois de stagiaires dans l’enseignement privé

C’est dans ce contexte qu’aujourd’hui nous allons évoquer la formation :

disparition de la formation initiale et distribution des miettes de la formation continue dont la principale préoccupation sera de trouver des lieux de stages aux étudiants.

Autant dire que nous n’aurons pas à nous revoir beaucoup dans les années à venir car, bien qu’il ait été dit que la réforme de la formation des enseignants devait être l’occasion d’une évolution de l’offre de formation continue en la renforçant et en la rendant certifiante, force est de constater que la réalité comme dans beaucoup de domaines, ne ressemble guère aux effets d’annonce. Alors envisager une continuité de la formation est un numéro d’équilibriste dès lors qu’on considère que n’importe qui peut exercer le métier d’enseignant si peu qu’il soit motivé et qu’il ait un niveau d’étude suffisant.

II pourrait encore être question d’articuler théorie et pratique mais la formation continue qui se réduira de fait ne pourra remplir ce rôle et ne pourra donc développer la pratique réflexive.

Il faudra donc au gré des changements et des caprices de ministres qui n’y entendent rien, renouveler nos pratiques sans accompagnement. L’alliance entre la recherche et la pédagogie de terrain ne va pas de soi mais la formation pouvait être un biais pour favoriser ces échanges.
Comment aider à construire l’identité professionnelle qui prend plusieurs années et qui réclame du va et vient entre notre pratique, la recherche, et tout ce qui interpelle dans et autour de l’école que ce soient les demandes institutionnelles ou la responsabilité du métier d’enseignant dans la transformation de l’enfant en élève ? Enseigner parait donc si simple à nos ministres, qu’ils en méprisent la complexité dont le cœur repose sur la pédagogie.

Depuis quelques années, chacun œuvre pour que la formation continue offre aux enseignants plus que du disciplinaire. Nous en attendons une mise en œuvre de méthodes ou de pratiques qui amènent l’enfant à construire son savoir dans des conditions suffisamment sécurisantes pour favoriser sa réussite et nous nous retrouvons avec des objectifs de flexibilité ou d’adaptabilité à l’emploi.

Aujourd’hui, le constat est amer : la formation continue se réduit à quelques maigres feuillets pour une formation épurée, des chiffres étirés,-on en viendrait à additionner des minutes-, pour camoufler une bien triste réalité.

Quant aux modifications de la semaine, traduites pas une réduction hebdomadaire d’enseignement face aux élèves, ne devait elle pas augmenter la formation ? : ce sont 6 heures de conférence en plus sans budget : c’est-à-dire rien qui n’aura fait regretter mon syndicat de n’avoir pas signé cette superbe avancée qui sur le terrain s’est traduite par une vraie reculade.

Le Conseil Européen sur le perfectionnement professionnel des enseignants et des chefs d’établissement réunit à Bruxelles, le 26 novembre 2009 concluait ainsi : au vu des exigences croissantes qui leur sont imposées et de la complexité grandissante de leur rôle, les enseignants ont besoin tout au long de leur carrière, et plus particulièrement au moment de leur entrée dans la profession, d’un accompagnement personnel et professionnel efficace… Dans un monde en rapide mutation, et conformément au principe d’apprentissage tout au long de la vie, la formation et le perfectionnement des enseignants devraient s’inscrire dans un continuum cohérent….

Ce n’est pas ce vers quoi nous allons et la formation tout au long de la vie peine aussi à trouver sa place dans le cursus des enseignants . Comment les enseignants en poste vont-ils améliorer leurs pratiques, accéder au Diplôme National de Master, évoluer dans leur carrière et leurs fonctions voire envisager des reconversions avec des jours de formation qui disparaissent ?

La formation des enseignants va mal comme le métier et chacun par son silence et son immobilisme devra un jour à défaut d’en être directement responsable s’interroger sur sa participation à la dégradation.