La formation des enseignants (FDE) a subi en 1990, 2005, 2008 et 2013 des réformes structurelles importantes : création des IUFM et leur transformation en école intégrée aux universités, délivrance d’un diplôme à bac +3 puis bac + 5 avec la Masterisation, changement de la place du concours… Au terme de tous ces revirements, elle prend cette année encore la forme suivante :
> recrutement par concours en fin de Master 1
> année de fonctionnaire stagiaire (PES) avec 50 % du temps consacré à l’obtention du Master 2 (Partiels, mémoires etc.) et 50 % en responsabilité de classe.
> rémunération de professeur des écoles autour de 1400€ par mois, le temps de formation étant compté dans les heures du fonctionnaire stagiaire.
Pour l’ensemble des parties (stagiaires, formateurs, profession, administration) cette année de M2 est difficile à tenir et provoque beaucoup de souffrance et d’abandon chez nos jeunes collègues. Tout le monde est donc unanime sur la nécessité de changer le modèle existant.
C’est ainsi que le Ministre impose une nouvelle réforme de la FDE pour la rentrée 2019 :
> Il envisage de mettre sur le terrain les étudiants bien avant l’entrée en Master MEEF dans le cadre des contrats d’assistants d’éducation et de les utiliser « ponctuellement » comme moyens d’enseignement. C’est encore et toujours l’idée qu’un compagnonnage est bien suffisant pour apprendre le métier. La maîtrise de savoirs théoriques exigeants comme la connaissance de la pédagogie et de la didactique semble avoir été oubliée au profit d’un simple mimétisme.
> Il veut revenir sur le contenu de la formation en imposant un cadrage national centré sur les fondamentaux, à savoir lire, écrire, compter et sur les « bonnes pratiques » à employer (livre orange). C’est contredire toute la recherche sociologique qui démontre que la sélection dans le système scolaire français ne se base pas sur des savoirs (lire, écrire, compter) mais bien sur des savoir-être. Il ne faut pas y renoncer sous peine de voir les enfants les plus éloignés de l’école ne jamais être en mesure de profiter de l’ascenseur que représente (encore) l’école de la République.
> Il pense placer le concours en fin de M2, et utilisera donc les étudiants comme contractuels pendant leur formation avec un salaire diminué par rapport à la situation actuelle car seules les heures effectuées devant élèves seraient rémunérées.
Il se dessine donc une FDE précarisant encore plus les étudiants, ce qui ne la rendra aucunement plus attractive et ne résoudra pas la crise du recrutement. Sur le contenu même de la formation, le Ministre confirme son ambition de faire des professeurs des écoles de simples exécutants dépossédés de leur expertise et cantonnés à la seule mise en œuvre d’enseignements dits fondamentaux élaborés par le Ministère. Enfin, il réaffirme que le métier d’enseignant ne s’apprend qu’en picorant les « bonnes recettes » sur le terrain au détriment d’une formation initiale qui sera dorénavant aussi rabotée en licence. Pourtant, nous constatons quotidiennement dans nos écoles que les générations de collègues possédant un bagage didactique fort et ayant bénéficié d’une véritable formation continue sont ceux qui résiste le mieux à la transformation de notre métier.
A n’en point douter, cette réforme n’est aucunement dans l’intérêt des stagiaires ni des élèves… mais en revanche, elle garantira des économies plus que substantielles dans le budget de l’éducation nationale et assurera au Ministre des enseignants toujours plus obéissants.
Pour conclure, si le projet Blanquer aboutit, il offrira au Ministère un imposant vivier d’enseignants potentiels, tous titulaires d’un Master MEEF, qu’il pourra recruter soit par concours soit en tant que contractuels. Soyons donc rassurés, le Service Public d’éducation a un bel avenir devant lui…
Remerciements à Denis Gaumé pour l’illustration.