I – Une note du CSP attaquant les fondements de la maternelle

En décembre 2020, le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) a soulevé l’indignation de la communauté éducative en diffusant, sans aucune consultation préalable, une note d’orientations sur le programme de la maternelle qui remettait en cause les fondements mêmes de l’école première.

Le SNUipp-FSU a produit un décryptage complet de cette note et en a immédiatement dénoncé publiquement les orientations idéologiques néfastes :

  • Resserrement sur les fondamentaux et subordination de la maternelle à la préparation du CP et des évaluations nationales (instrumentalisées pour disqualifier le programme 2015) ;
  • Renoncement à l’évaluation positive ;
  • Jeu « scolarisé » au service de l’apprentissage de la langue française, facteur de cohésion nationale ;
  • Mise au pas de la professionnalité enseignante sommée de « se conformer à des protocoles précis » ;
  • Précocité outrancière des apprentissages à travers les attendus de fin de cycle (comptage jusqu’à 100, de 10 en 10, décomposition 10 + 3…) et l’importation d’outils de l’élémentaire (cahier de mots, schéma, carnet d’expériences…).

La production du CSP dessinait les contours d’une école du « rabâchage » et du « bachotage » qui, en faisant glisser les apprentissages formels du cycle 2 vers le cycle 1, aurait eu comme principale conséquence de renforcer les inégalités scolaires, tout en assignant les PE à une position d’exécutant-e et en renvoyant la responsabilité de l’échec aux élèves et à leur famille.

II – Les initiatives du SNUipp-FSU

Pour contrecarrer ce projet inacceptable, le SNUipp-FSU a multiplié les interventions publiques. Il a pris l’initiative de rassembler la communauté éducative en réactivant le « forum maternelle », collectif de syndicats et mouvements pédagogiques jusqu’à la publication d’une tribune commune « défendons l’école maternelle » dans Libération. Lors du Conseil Supérieur de l’Education (CSE) du 7 janvier, le SNUipp-FSU a fait adopter à l’unanimité un vœu en faveur de la stabilité du programme de la maternelle. Le webinaire « Maternelle attaquée : quelle riposte ? » a réuni en direct près de 1 500 collègues et placé l’école maternelle au cœur de la mobilisation du 26 janvier. Une campagne de RIS thématiques menée par les sections départementales a permis de poursuivre le travail d’information et de mobilisation de la profession. Avec plus de 800 inscrit-es, le colloque du 1er juin « Maternelle : il faut voir grand pour les petits » constituera le point d’orgue de ce semestre d’intense travail syndical de défense de la spécificité de la maternelle et de ses missions.

III – Versions DGESCO d’avril et mai : des avancées engrangées par le SNUipp-FSU

Les initiatives du SNUipp-FSU sont en train de porter leurs fruits. En effet, les versions révisées du programme sur lesquelles les organisations syndicales ont enfin été consultées prennent leur distance avec la production initiale du CSP.

Une première version a fait l’objet d’un échange contradictoire le 14 avril entre les services du ministère (bureau des écoles, DGESCO et IGEN) et les OS (SNUipp-FSU, SE-UNSA, SGEN-CFDT, SNALC, SUD). Ce texte d’avril abandonnait les propositions outrancières du CSP, tout en conservant l’architecture générale du programme 2015, et reprenait dans leur intégralité de grands principes défendus par le SNUipp-FSU : éducabilité de tous les élèves, donner envie d’aller à l’école comme mission principale, respect du rythme de développement de chacun, maintien de l’évaluation positive, place importante du jeu, de la littérature jeunesse, de l’écriture inventée dans les apprentissages.

Pour autant, plusieurs modifications du texte 2015 confirment un changement d’approche de notions essentielles (comme celle du nombre), la volonté d’anticiper des apprentissages formels et des attendus relevant du cycle 2 et suppriment des garde-fous adoptés en 2015 pour éviter une primarisation, propice au renforcement des inégalités scolaires. A l’appui de ses interventions, le SNUipp-FSU a produit une première contribution écrite.

La version discutée le 10 mai en commission spécialisée, en préparation des votes du Conseil Supérieur de l’Education du 27 mai, a pris en compte à nouveau plusieurs propositions du SNUipp-FSU. Les avancées les plus probantes concernent le préambule et le domaine du langage : le maintien de la référence à la loi de refondation instaurant le cycle 1, le renforcement de la place du jeu associé à la découverte du monde si décisive pour les plus jeunes élèves, le rappel du cadre collectif dans lequel doivent s’inscrire les remédiations pédagogiques pour prévenir une individualisation excessive qui creuse les inégalités scolaires, une progressivité assouplie en phonologie, davantage de contextualisation pour conférer du sens aux apprentissages en vocabulaire, l’ouverture culturelle en soutien de l’éveil linguistique prenant appui sur les langues et cultures d’origine des familles, la modération de l’attendu « association lettres/sons », la suppression de la description des formes géométriques inadaptée aux compétences langagières et conceptuelles des élèves de cycle 1, le retrait de la référence à la préparation de l’exercice contesté de la ligne numérique graduée des évaluations CP.

IV – D’autres garanties à obtenir pour consolider missions et professionnalité

Par contre, le domaine « structuration de la pensée » et les apprentissages relatifs à la maitrise du nombre n’ont pas suffisamment évolué : la place donnée au comptage-numérotage fragilise la construction du nombre comme expression d’une quantité qui était la priorité en 2015. D’importants garde-fous de 2015 contre l’importation d’attendus et d’activités du cycle 2 ne sont toujours pas restaurés. Certains ajouts en phonologie (le phonème plutôt que la syllabe), en expression orale (recherche précoce de la correction syntaxique prioritaire par rapport à l’entrée dans la communication) ou des modifications concernant l’évaluation positive et les conditions d’exercice de la mémoire constituent des reculs par rapport au texte d’avril. Pour le SNUipp-FSU, ces révisions pèsent encore trop dans le sens d’une réorientation des missions de la maternelle et de ses pratiques pédagogiques vers une anticipation renforcée des enseignements du CP.

A la suite des débats en commission spécialisée, le SNUipp-FSU a produit une nouvelle contribution écrite pour faire évoluer le projet. Ces propositions et leur motivation constitueront la base du travail d’amendement de la version du programme qui sera proposée au CSE.